« A quelques encablures de la côte flotte une île couronnée d’azur. L’écart qui sépare le rêve de la réalité n’est pas bien grand, mais il contient un monde au nom évocateur, Porquerolles. La Perle des îles d’or entraîne dans son sillage l’idée d’une terre précieuse bercée de lumière, où la nature toute entière s’accorde à la beauté des paysages ; de son versant sud hérissé de falaises s’apprêtant à combattre le large, à sa côte nord, chapelet de plages aux eaux turquoise, refuge des bateaux au mouillage. Trois pas hors des sentiers battus suffisent à se confronter au cœur de l’île et se perdre dans la pinède. L’esprit s’enivre d’embruns et de parfums ; terre et sève enchevêtrées, immortelles et myrtes légendaires tapies sous les pins et eucalyptus centenaires. La liste des senteurs est longue et protégée. Aux notes de tête s’attache le cœur. Mais le rêve ne flotte pas seulement dans les airs. Sous nos pieds se terrent de grands terroirs. Des schistes millénaires, ceux-là même qui font la renommée de grands vins de Provence. »
C’est avec ces mots que le directeur général des vignobles de la maison Chanel (Rauzan-Ségla à Margaux, Canon et Berliquet à Saint-Emilion), l’ingénieur agronome et œnologue Nicolas Audebert, annonce l’acquisition du domaine de l’Ile à Porquerolles après deux ans passés à arpenter ce vignoble en compagnie de son propriétaire, Sébastien Le Ber. Petit-fils de l’homme qui fut autrefois le propriétaire de l’île (lire ci-après), Sébastien Le Ber est d’après Nicolas Audebert « un porquerollais emblématique » et un « vigneron passionné » qui entretient et développe depuis 40 ans ce domaine familial de 30 hectares certifié AB planté de grenache, mourvèdre, cinsault, syrah, tibouren et rolle. « Sélectionnés avec soin, les cépages méditerranéens traditionnels expriment toute la singularité et l’insularité du lieu. Ils portent le sceau d’un engagement, celui de créer des vins aux accents méridionaux uniques. Des vins de soleil et de plein vent, d’où s’échappent la fraîcheur des embruns et la force d’une terre de caractère. »
Aujourd’hui, sur la base d’une vision commune quant à l’avenir de la propriété, Sébastien Le Ber confie ce patrimoine viticole à Chanel, « touché par la magie du lieu, une histoire humaine hors du commun et la particularité de ce terroir », prolongement du massif des Maures faisant partie de l’appellation côtes-de-provence. Nicolas Audebert dit « mesurer sa chance » et précise que ses équipes bordelaises, qui travaillent déjà main dans la main « d’une rive à l’autre de la Gironde », seront évidemment de « cette aventure insulaire » qu’il envisage comme une source d’enrichissement réciproque.
Domaine de l’Ile, ou l’histoire de Porquerolles
Dévastée par les flammes à la fin du XIXe siècle, l’île de Porquerolles est acquise aux enchères par François-Joseph Fournier au début du XXe. Fils d’un batelier belge, l’homme est devenu riche grâce à la découverte d’un filon d’or du Mexique et c’est à sa femme Sylvia qu’il offre ce joyau lors de leur mariage. Propriétaires protecteurs et visionnaires, les Fournier affirment le caractère agricole de l’endroit. L’île reprend vie et la vigne peuple ses pentes douces. En 1957, cette terre est partagée entre les quatre filles Fournier. Si trois d’entre elles revendent progressivement leur part à l’Etat, qui rachète leurs droits de plantation, Lélia Fournier, épouse Le Ber, se bat pour conserver ses terres et replante des vignes dans la plaine du Brégançonnet. Petit-fils de François-Joseph, Sébastien Le Ber voue une reconnaissance sans borne à cette femme qui s’est battue pour la protection de l’île et de l’exploitation familiale.