Né au siècle des Lumières, en pleine effervescence intellectuelle et artistique, Ruinart en conserve un tempérament résolument avant-gardiste. Et une complicité naturelle avec les artistes. Depuis toujours, la doyenne des maisons champenoises jette des passerelles entre son univers et celui de la création contemporaine. Accueillant régulièrement des artistes en résidence, elle les invite à réinterpréter son patrimoine en laissant aller leur imaginaire comme le champagne laisse s’envoler ses bulles, en toute liberté.
Mucha ouvre le bal en 1895
Tout commence en 1895, lorsque la maison confie à un jeune artiste tchèque encore méconnu, Alphonse Mucha, le soin de dessiner sa première affiche publicitaire. La réclame, une première dans l’histoire de la Champagne, fait sensation et Mucha ne tarde pas à s’affirmer comme le précurseur de l’Art nouveau. Aujourd’hui, Ruinart poursuit son engagement artistique à travers sa participation aux plus grands événements d’art autour du monde (Fiac, Paris Photo, Art Cologne, Dallas Art Fair, Art Basel, entre autres) et par des cartes blanches données chaque année à des talents internationaux, renommés ou émergents. Les œuvres nées de ces collaborations, peintures, sculptures, installations, photographies, pièces de design racontent et réenchantent continuellement son histoire débutée en 1729, son riche patrimoine, la magie de ses crayères gallo-romaines, aujourd’hui classées au patrimoine mondial de l’Unesco, l’excellence de son savoir-faire et de ses cuvées.
Une collection d’œuvres inspirées par l’univers Ruinart
Durant cette dernière décennie se sont ainsi succédé plus d’une dizaine d’artistes. Chacun a posé son regard singulier sur l’univers de la maison, inépuisable source d’inspiration. Parmi les plus récents, l’Ecossaise Georgia Russell a revisité le premier livre de comptes, qui date de 1729, avec une sculpture monumentale (Le Grand Livre, 2014). Pour nous conter le chardonnay, cépage emblématique de la marque, le designer français Hubert Le Gall conçoit en 2015 un calendrier en verre de Murano qui retrace l’évolution du cep de vigne au fil des mois. En 2016, sous l’objectif du photographe hollandais Erwin Olaf, les mille et une marques faites depuis la nuit des temps par l’homme et la nature sur les murs des crayères, encoches taillées par les mineurs, graffitis, aspérités naturelles, sont mises en lumière dans un ensemble de photos en noir et blanc. Après le plasticien catalan Jaume Plensa, invité 2017, Liu Bolin livre cette année une série d’images-performances réalisées lors de ses dix jours de résidence. Marqué « par l’expertise déployée et l’utilisation des ressources naturelles à disposition dans la fabrication du champagne », l’artiste chinois a joué sur l’idée du camouflage. Il s’agissait à la fois de mettre en avant le respect de Ruinart pour la nature et de mieux révéler, en faisant disparaître le corps, les gestes des femmes et des hommes qui créent le champagne : ces artistes de l’ombre qui s’effacent devant l’œuvre finale : une bouteille de Ruinart.
L’art au service du champagne
Pour développer des objets de service, Ruinart fait aussi appel à la patte des plus grands designers. India Mahdavi, Christian Biecher, Patricia Urquiola, Nendo et plus récemment Ron Arad ont laissé leur empreinte artistique, ici sur des bouchons (Cuillère, Fleur, Fil d’or) destinés à préserver l’effervescence de la bouteille de manière aussi somptueuse qu’originale ; là, sur un rafraîchissoir Miroir inspiré de la vasque du Déjeuner d’Huîtres peint en 1735 par Jean-François de Troy ou sur un coffret (réinventé par Nendo). Autant d’objets du quotidien du champagne conçus comme des prolongements artistiques des caves et d’un savoir-faire unique. Transcendé par tous ces imaginaires, plus que jamais ce grand champagne « vient nous dorer le cœur, vient fondre nos cerveaux », comme l’écrivait Edmond Char (dans son poème Champagne !) et nous donne des « frissons nouveaux. »
Par Pascale Cassagnes