Athénaïs de Béru mène en biodynamie un domaine historique du Chablisien détenu par sa famille depuis quatre siècles. Décimé par le phylloxera au début du XXe siècle, ce vignoble de quinze hectares a été replanté par son père dans les années 80. Cette année, le gel a détruit la récolte de Béru, mais ce n’est pas pour autant qu’Athénaïs ne vinifiera pas.
Ce métier à risques
Pour comprendre cette histoire, il faut commencer par celle d’Athénaïs, jeune vigneronne qui a relancé le château de Béru en prenant le chemin du bio et de la biodynamie et en mettant en pratique ses valeurs : la passion, l’inventivité, la prise de risque, et l’humain avant tout. Après une première vie dans la finance, Athénaïs décide de se lancer dans la viticulture en 2005 lorsque les vignes du château familial, qui avaient dû être placées en fermage, se trouvent libérées de cet engagement. Epaulée par sa maman, elle relance la propriété, troquant sa vie parisienne pour l’Yonne et le village de Béru. Pour relever ce challenge, se former, comprendre et apprendre, elle effectue des stages chez des vignerons. Amis, guides, mentors, certains lui prêtent du matériel, l’aident et répondent aux mille et une questions qui accompagnent ses débuts. Cette année, ces amitiés vigneronnes ont ressurgi avec force lorsque la catastrophe du gel s’est abattue sur la récolte de Béru. Grâce à elles, Athénaïs ne perdra ni la main ni la foi en son métier.
Face aux aléas, l’inventivité, la volonté et l’entraide
Lorsqu’elle découvre les dégâts occasionnés par le gel en avril dernier, Athénaïs aurait pu céder au découragement. Plus de 95 % de la récolte est perdue. Combinaison d’une nuit à moins 6° suivie d’une journée au grand soleil, les dégâts sur la vigne sont terribles, comparables à ceux de l’“année noire” de 1991. Pourtant, la jeune vigneronne décide de rebondir. 2016 ne sera pas une “année blanche” à Béru. Avec l’énergie qui la caractérise, elle se lance dans une recherche active de raisins qu’elle projette de vinifier en complément de sa récolte. La tâche est difficile dans une année où de nombreux vignerons ont été victimes du gel, si ce n’est de la grêle ou du mildiou, et où les raisins sont rares. C’est là que la solidarité du monde vigneron fait son petit miracle : ses amis viticulteurs se mobilisent, ouvrent leur carnet d’adresse, leurs propres récoltes et l’aiguillent dans ses recherches. Et voilà Athénaïs partie sur les routes avec sa petite équipe et sa vieille camionnette, laquelle participe là à sa dernière vendange.
Tour de France des cépages
A proximité du château de Béru, dans l’Yonne, Athénaïs trouve du pinot gris. A Mâcon, elle retrouve le cépage qu’elle connaît le mieux, le chardonnay, grâce aux contacts de Julien Guillot. Cap vers le sud, à Perpignan, où son ami Cyril Fhal partage avec elle son réseau et l’aide à trouver des raisins en IGP côtes-catalanes. La famille Milan, en Provence, lui fait don de raisins de cépages grenache et vermentino. A charge de revanche. Retour par le Beaujolais où Athénaïs dégote un peu de gamay. Gageure en cette période difficile, elle réussit à dénicher des raisins cultivés en bio pour la majorité, afin de respecter autant que possible l’engagement qu’elle s’est fixé à Béru, et ce depuis le départ. De coups de fil en coups de pouce, sous forme de dons ou d’achats, petits lots par petits lots, Athénaïs réussit à trouver au long de ce bel élan d’entraide de quoi vinifier l’équivalent d’un tiers de sa production dans une année “normale”. Démarre alors un nouvel enjeu, et de taille : vinifier ces cépages qu’elle n’a jamais manipulés jusque là.
Un millésime fait d’expériences
Aucun recoin de Béru n’ayant échappé au gel, les cuvées du château, d’ordinaire parcellaires, s’en trouvent toutes affectées. Seules deux pièces (barriques) pourront arborer cette année l’étiquette Château de Béru. Elles proviennent du clos Béru, parcelle exceptionnelle du domaine et de la vallée de Vaucoupin (1er cru). Exceptées ces deux rescapées, la maigre vendange du château sera assemblée en une seule cuvée et sera l’occasion de vinifications nouvelles. Bien que vinifiées séparément et provenant d’appellations d’origines contrôlées, Les autres cuvées issues de toute la France ne pourront revendiquer d’autre appellation que celle de Vin de France, règlementation oblige. Elles seront commercialisées sous l’étiquette Athénaïs, du nom du négoce existant dédié à la production des vins rouges de l’Yonne (il n’y en aura pas non plus cette année). Si l’habillage rendra hommage à tout ceux qui ont participé à ce mouvement de solidarité, Athénaïs compte d’abord faire honneur à ses amis viticulteurs et à leur expérience à travers la vinification de ces cépages inconnus d’elle, si ce n’est en dégustation.
(N. B. : Cette histoire que nous reproduisons dans son intégralité sous une forme légèrement différente nous a été transmise sous le titre Solidarité vigneronne, le meilleur antigel du millésime 2016)