Château pavie 1998-2013 : la dégustation-vérité

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L’excellence donnant toujours lieu à mille et un débats, nous avons voulu vérifier le niveau de qualité de château-pavie, le célèbre cru de Gérard Perse, histoire de lui rendre justice.

 


Quand Gérard Perse, déjà propriétaire du château Monbousquet, puis de Pavie-Decesse, qui appartenait à la famille Valette, achète en 1997 le grand terroir voisin de Pavie, il trouve la propriété en mauvais état, ce que je ne peux que confirmer, l’ayant visitée avec lui quelques mois après son achat. Une bonne partie du vignoble possède trop de pieds manquants et un palissage pour le moins perfectible. Le cuvier et la cave, de façon plus surprenante, sont loin de présenter une hygiène parfaite. Je reste même étonné rétroactivement par la qualité de certains vins comme 1989 ou 1990 élaborés dans un environnement aussi approximatif. En deux ans, un travail colossal de remise en état du vignoble est accompli par une excellente équipe technique chapeautée par Laurent Lusseau. Suivront la construction d’un nouveau chai et d’un nouveau cuvier, aussi beaux que performants, puis des bâtiments imposants, mais redoutablement efficaces et adaptés au statut culte de la propriété. Gérard Perse, remarquable dégustateur et entrepreneur perfectionniste modèle assez vite le style des vins qu’il souhaite pour le terroir le plus naturellement solaire de l’appellation. Il ne fera aucun compromis sur la charge des raisins, limitée à quelques grappes par pied de vigne, et sur la recherche de la maturité ultime, quitte à produire des vins épiques, dont le devenir est parfois difficile à comprendre à leur naissance. Les élevages sont parmi les plus longs du Bordelais, avec une mise en bouteille très tardive, après le second été, et on compare souvent en primeur Pavie en cours d’élevage, brut de fût, à d’autres crus voisins lissés par leur mise en bouteille. Ces dernières années, la reconnaissance du travail accompli et conforté par une commercialisation ambitieuse aboutit à la montée de premier grand cru classé B à premier grand cru classé A. Il rejoint ainsi, avec Angélus, le club très fermé d’Ausone et Cheval Blanc. Gérard Perse ne se repose pourtant pas sur ses lauriers et continue à adapter de façon plus pointue son encépagement en fonction du terroir. Dans les prochains millésimes, la proportion de cabernet franc va se renforcer de façon notable, ce qui donnera encore plus de fraîcheur et de finesse au bouquet et au tannin. L’extraordinaire qualité du terroir s’exprimera avec encore plus d’autorité et d’harmonie.

 

Notre dégustation

Nous avons dégusté la décennie 2009-1998 à Paris, dans nos bureaux, et avons encore une fois vérifié l’étonnante qualité des deux premiers millésimes, qui ont peu d’égaux dans le secteur, puis une évolution vers des vins plus denses, parfois moins bien équilibrés comme en 2001, avec un retour au grand style dès le 2002. Le 2009 entrera dans la légende comme le 1928 ou le 1929. Le 2005 ne se présentait pas à son meilleur dans les trois échantillons ouverts, ce qui arrive parfois dans une période de vieillissement intermédiaire. Il faudra le rejuger dans quatre ou cinq ans.  M.B.

 

2013 17,5/20
Apogée 2021/2028
Robe profonde, nez ample, sent le bon merrain, corps élégant, tannin subtil, de la fraîcheur sans maigreur, une grande adresse dans l’élevage. Un des vins clés d’un millésime difficile ou, pour être exact, exigeant beaucoup de sacrifice et de savoir-faire, dans un équilibre qui devrait ravir ceux qui trouvent ce cru trop lourd. Attendre encore cinq six ans, mais déjà prêt à consommer.

2012 17,5/20
Apogée 2020/2025
Très belle couleur, nez plus évolué que celui du 2013, avec une petite note toastée plutôt gourmande, corps équilibré, grande complexité de saveur, encore un pavie qui surprendra par sa fraîcheur, sa subtilité, ses notes associant la terre, la truffe, mais avec un retour mentholé d’une rare élégance, un des sommets du millésime et un camouflet à ceux qui ne dégustent pas des vins, mais des idées ou, pire, des préjugés. Capable de progresser pendant huit à douze ans.

2011 18/20
Apogée 2023/2031
Robe brune, grand nez réglissé avec déjà une évolution vers la truffe qui ne s’épanouit que si l’on déguste le vin à 16/17°C, comme il le faut. Corps plus puissant et tannin plus affirmé que 2012 et 13, mais sans lourdeur. Ensemble riche, complexe, encore un peu massif, à laisser encore cinq ans en cave. Grand vin.

2010 19,5/20
Apogée 2025/2040
Grande robe un peu opaque, peu filtrée pour conserver toute l’énergie et la chair. Nez puissant, un rien sauvage, associant des notes racinaires et terriennes à un fond réglissé de grand millésime de soleil et une noble présence de merrain qui enrobe les tannins. Texture immense, maturité idéale, plus de finesse et fraîcheur que 2009, retour mentholé plus marqué, futur vin de légende. Vraiment au niveau le plus élevé de Saint-Émilion.

2009 19,5/20
Apogée 2021-2031
Grandiose. Nez merveilleux d’ampleur avec des notes de truffe, de terre et de pierre rôtie au soleil, de grand merrain, mais aussi de la texture et de l’arôme du raisin toujours présent et qui, grâce au ferment, termine sur des notes mentholées, fraîches, racées qui signent le grand terroir. Grand corps, grande ampleur, grande suite en bouche, encore un peu « Hercule au berceau ».

2008 18/20
Apogée 2023-2030
Plus serré et tendu au nez, petite pointe grillée donnant au boisé une forme moins épique que pour le 2009. Notes racinaires de bulbe, d’iris, texture élégante, frais, tendu dans sa texture, sur les amers de terroir de côte, énergique, d’une généreuse austérité. Rappelle un grand barolo dans sa tension et son arrière-bouche. À attendre.

2007 16,5 /20
Apogée 2019-2027
Nez plus ouvert que 2008, sur du pruneau, le café, la torréfaction, sur la rondeur, savoureux, facile à aimer, tannin fondu, assez long, presque prêt à boire.

2006 18/20
Apogée 2021-2026
Couleur dense, presque opaque, très terrien sur une première bouteille, type sous-bois mais avec une pointe d’oxydation, plus de chair et de suite en bouche que 2007. Seconde bouteille supérieure, on retrouve la grande sève du 2009 et une énergie considérable, grand tannin, fin de bouche ample sur la truffe et tannin encore serré. Matière formidable, volontairement non simplifiée par les choix d’élevage au profit de plus de « patine ». Caractère épique. On doit encore attendre.­­­

2004 17,5/20
Apogée 2016-2022
Grande robe, plus frais et savoureux que le 2005, épicé, truffé, grand style de vin de côte, joli équilibre, tannin enrobé, prêt à boire avec plus de finesse et de subtilité que le 2007.Grande réussite dans un millésime sous-estimé à la naissance.

2003 19/20
Apogée 2021-2031
Robe profonde, nez très ouvert et émouvant de moka et de menthol qui épure et rajeunit la torréfaction, exprimant à la perfection le paradoxe du millésime. Suave, merveilleusement onctueux, tannin très fondu, long, raisin incroyablement mûr sur le plan précis du soutien tannique. Grand élevage, vraiment le vin attendu dans ce millésime hors norme.

2002 17/20
Apogée atteinte
Nez très fin, épicé, subtil, floral, entre le grand pinot noir et le grand cabernet franc, souple, élégant, fondu, prêt à boire, à point.

2001 Non notable
Très ouvert et dense, pointe de liège, seconde bouteille oxydative : ce 2001
ne donne pas ce qu’on attend de Pavie.

2000 18/20
Apogée 2018-2025
Complètement Pavie au nez, encore sur le merrain, fondu, mentholé, suave, long, complexe, quasiment arrivé à son apogée, incomparablement supérieur
au 2001 dans ce cru. Très long.

1999 19/20
Apogée atteinte
Incroyable réussite, mentholé, long, complexe, suave, incroyablement fin, frais, élégant, façon Ausone, très pur, délicat, complexe, arrivé à parfaite maturité. Vin de race, mais à boire
à table.

1998 17,5/20
Apogée atteinte
Plus terrien que le 1999, moins artiste et floral, classique dans son tannin, plus strict, ferme, épicé, un rien sec. Demande une heure d’aération supplémentaire. M.B.

2 Commentaires

  1. Le début de l’article est partisan. On peut bien imaginer que les anciens propriétaires n’avaient pas les moyens de M. Perse, qui apparemment a gagné beaucoup d’argent dans la grande distribution, c’est-à-dire en vendant des produits de qualité plus que discutable dans les années 80-90 au moment du boom de la grande distribution: cf toutes les affaires qui finissent par sortir actuellement dans la presse sur la qualité des produits en grande distribution (que de l’eau, peu de nutriments, filières discutables, producteurs asphyxiés et contraints à utiliser des intrants en quantité industrielle au détriment de la santé des clients et de l’écologie la plus élémentaire etc).

    Que celui-ci ait reconverti son argent à l’odeur de malbouffe dans la défense d’un produit exceptionnel est un beau “rétablissement”. On saluera son mea culpa tardif à sa juste valeur.

    Néanmoins on aurait pu attendre de votre part plus d’admiration pour ceux qui ont réussi à faire un vin exceptionnel en 1999 dans des conditions difficiles.
    De plus, on remarque que malgré les moyens investis, il a fallu pratiquement une décennie à la nouvelle équipe pour retrouver ce niveau, preuve en est vos propres notations.

    Conclusion: on aimerait un peu plus d’objectivité de la part de B+D!

    ps: quand aux chais dessinés pas Pinto, c’est pas mal, on dira confortable: beaucoup d’argent, pas beaucoup de style, du Pinto en fait, il manque un vrai souffle, pas de quoi s’esbaudir si on s’y connaît tant soit peu en architecture, mais ceci est un détail et je n’en demande pas tant à un blog sur le vin.

    ps2: aurez-vous le courage de publier mon commentaire?

    • vous voyez nous le publions volontiers! mais quand on nous reproche d’être partisans on s’arrange pour ne pas l’être aussi spectaculairement dans un sens contraire et de trouver de bons arguments nés de la dégustation et pas de l’idéologie. mb.

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