Dans le numéro 04 d’En Magnum, l’équipe Bettane+Desseauve a pris une position fine et mesurée sur la viticulture bio et biodynamique. Nous avons ouvert le débat, mais c’était sans compter avec les gardiens du temple bio, furieux de se sentir dépossédés d’une philosophie dont ils pensent être les exclusifs détenteurs. Et, du coup, follement agressifs. Voici la réponse de Michel Bettane.
La violence et l’ineptie des réactions de certains fanatiques du vin « nature » sur leurs blogs à la lecture du numéro 04 de En Magnum tiennent sans doute à ce que nous les avons pris à contre-pied. Elles montrent aussi combien ces donneurs de leçons, et de leçons de démocratie en particulier, sont eux-mêmes peu démocrates. Il faut convenir que ce doit être assez énervant pour eux, qui se définissent comme propriétaires exclusifs d’un concept et d’un combat, d’apprendre qu’alors que beaucoup étaient en culottes courtes, un journaliste accompagnait le travail dans les vignes et dans les cuviers des meilleurs vignerons français. Ceux-là même qui sont devenus leurs idoles. Et même souvent avant que ces idoles ne convertissent leurs vignes à des pratiques biologiques. Plus irritant encore, le fait que ce journaliste les ait soutenus à de nombreuses reprises pendant leur conversion. Et désespérément rageant d’imaginer les relations d’amitié et de confiance nouées à ces moments-là, indépendamment de tout contexte commercial, bien sûr. Faut-il rappeler à ce sujet que beaucoup de ces fanatiques ont fait de leur propagande pour ce type de vin leur fonds de commerce, au sens premier du terme et sans la moindre honte ?
Mais quand une Alice Feiring, austère passionaria du bio, c’est-à-dire de ce qu’elle imagine être une réunion parfaite du beau, du bon et du vrai en matière de vin, nous traite de brexiteurs, de trumpistes, voire de lepénistes, pour la plus grande joie de ses lecteurs, il n’y a plus matière à rire. C’est toute une vision du monde qui s’exprime par ces insultants raccourcis qui ne sont que le miroir d’esprits faibles et troubles. Troublante similitude, en effet, pour lui retourner ses compliments, dans son rapport à la démocratie et à ses expressions légitimes avec un national-socialisme italien ou allemand de mauvaise mémoire, leur façon d’insulter leurs ennemis et même de les supprimer quand ils en ont eu le pouvoir. Sans parler de son analphabétisme ou, pour être indulgent, de sa mauvaise foi quand elle commet des contresens d’interprétation sur des textes pourtant clairs, aussi bien dans leur original français que dans leur traduction anglaise, volontairement tronquée.
Mes collaborateurs et moi-même n’avons jamais exclu aucune école de vinification, aucun modèle de viticulture, si la fidélité à ce que nous pouvons savoir de l’expression juste d’un millésime et d’une origine sont au rendez-vous. Nous n’avons jamais prétendu qu’il fallait, par exemple, exclure les vins « nature » des appellations d’origine. Nous avons depuis longtemps inclus dans nos guides et défendu ceux que nous jugeons les meilleurs d’entre eux. Nous avons simplement rappelé pour les plus mauvais d’entre eux, et ils sont encore nombreux, comme pour ceux qui sont rejetés après dégustation par la communauté démocratique des producteurs, parce que selon eux ils font du tort à la marque collective dont ils assurent la protection, qu’ils peuvent toujours rejoindre la famille des vins de table, ce qui n’est en aucune façon une honte ou une déchéance, sauf pour des anti-démocrates primaires.
Et au cas où on aurait du mal avec une longue phrase comme la précédente, on a encore le droit démocratique de dire, dans une phrase encore plus longue, que certaines pratiques rendues nécessaires par les principes (non encore officiellement codifiés, hélas) de ces mêmes vins « nature » conduisent à des dérapages dangereux dans le secteur de l’environnement ou du développement durable, bref de la véritable écologie, comme une consommation supplémentaire d’énergie, la création de résidus au moins aussi dangereux que d’autres dans le sol ou dans l’atmosphère (multiplication des particules fines nées de la sublimation des produits de traitement) ou la présence de molécules aussi cancérigènes que d’autres (amines biogènes) dans le vin. Bon, la vie est dangereuse, nous n’avons rien inventé, mais la stupidité de certain(e)s peut être encore plus dangereuse.