Beaumes-de-Venise aux deux visages

 

C’était en 1956, année d’un grand gel qui détruisit une grande partie des oliviers et abricotiers constituant alors les principales cultures. Pierre Blachon, pharmacien du village réussit à convaincre une poignée de producteurs d’unir leur savoir-faire. Il était convaincu du potentiel du terroir du Muscat de Beaumes de Venises, appellation créée en 1943, et de la magnifique exposition du vignoble. Vignerons de Beaumes de Venise regroupe toujours aujourd’hui des structures familiales de petites surfaces (moins de 8 hectares). Ouverte au public avec son caveau et sa vinothèque qui reçoivent près de 200 000 personnes par an, elle reste un des acteurs qualitatifs incontournables du Muscat de Beaumes de Venise.

Avec la même exigence portée à son vin doux naturel, les Vignerons de Beaumes de Venise ont aussi oeuvré pour la reconnaissance de son rouge*. « Au prix d’un travail acharné, qui a consisté notamment, à partir de 1997, à cartographier les différents types de terroirs et à les mettre en valeur par des vinifications séparées, nous avons été reconnus cru Beaumes de Venise en 2005 », se réjouit Claude Chabran. Une consécration pour ces vins rouges fins et racés, offrant un profil original parmi les vins du Rhône. « C’est l’effet du terroir. » Georges Truc, oeno-géologue spécialiste de la vallée du Rhône, souligne même que « les vignerons ont ici à leur disposition toutes les roches depuis le début du secondaire. Ce qui est rarissime ». La particularité de ce cru ? Offrir une triple personnalité à travers ses trois entités géologiques. Les Terres Blanches de Bel Air, autour de La Roque-Alric, donnent des vins pleins, souples et harmonieux.

 

« Ce sol argilo-calcaire marneux permet aux vignes, grâce à son inclinaison, un enracinement suffisamment profond et une extraction des sels minéraux ». Les Terres Grises des Farisiens, au nord de Lafare, constituées de marnes noires oxfordiennes du jurassique supérieur remontant à 140 à 150 millions d’années, produit des vins profonds, puissants, à dominante de fruits mûrs. « Ces coteaux tournés principalement vers l’est et le sud-est garantissent un abri contre le mistral et un ensoleillement exceptionnel ». Les Terres Ocres du Trias, affleurant entre Beaumes de Venise et Suzette, vieilles de 230 millions d’années, engendrent des vins puissants et d’une grande richesse aromatique. « Partout ailleurs dans la région, ces terres sont enfouies sous plus d’un kilomètre de sédiments. Mais ici, elles affleurent en surface. Peu fertile, drainant tout en ne craignant pas la sécheresse, ce terroir évite aux ceps tout stress hydrique ». Sur ce patchwork géologique, cultivés à petit rendement (limité à 38 hl/ha), le grenache noir (au moins 50 %) et la syrah (25 % minimum), agrémentés de mourvèdre, cinsault, carignan, counoise*, s’épanouissent à une altitude qui leur permet d’atteindre en douceur leur maturité. Au terme de cette balade, l’or du soleil et la chaleur des mythiques Dentelles se concentrent dans les verres de muscat et de cru rouge servis au Dolium, le restaurant de la cave. Deux « beaumes » au cœur du vignoble rhodanien impeccablement orchestrés par les Vignerons de Beaumes de Venise.

*3 – La cave produit également de l’AOC Vacqueyras et exerce aussi son savoir-faire sur une large gamme de vins de qualité tels que les Côtes du Rhône, les Ventoux, et les Vins de Pays de Vaucluse.

*4 – Et autres cépages autorisés dans la vallée du Rhône, avec possibilité de 10 % de cépage blanc.

 

Pascale Cassagne

Lire l’intégralité de la saga

beuames2

À lire aussi