En Anjou, le Château de Fesles compte 38 hectares, à parts égales entre les deux couleurs. Sur le plateau, les vignes de cabernet franc donnent un rouge vif et plaisant. Mais il est plus connu pour ses blancs secs ou liquoreux. Fesles domine la rivière du Layon, mais cela n’en fait pas pour autant un coteaux-du-layon. Il fait partie d’une appellation plus prestigieuse encore, celle de Bonnezeaux. Les archives du château mentionnent en effet le cru de Bonnezeaux en 1055, sous la plume des moines du Gué de Berge. Bien né, certes, il n’est pas étonnant que ce vin gourmand ait attiré de nombreux siècles plus tard un grand nom de la pâtisserie, Gaston Lenôtre. Avant d’être revendu à Bernard Germain en 1996.
Les Grands Chais de France s’en sont portés acquéreurs en 2008 séduits par ce liquoreux légendaire que certains qualifient d’Yquem des bords de Loire. Mais il n’y a qu’un seul Château Yquem, tout comme le Château de Fesles est unique.
Seul point commun entre les deux grands liquoreux, le Ciron est au sauternes ce que le Layon est au bonnezeaux. Dans l’un et l’autre cas, ce sont les brouillards sortis du lit de la rivière qui enveloppent les vignes et favorisent ainsi la formation de la fameuse pourriture noble. Vitis vinifera + botrytis cinerea, telle est l’équation magique et mystérieuse du Château de Fesles.
Le cépage roi de cette terre angevine, c’est le chenin blanc, le même que l’on trouve à Vouvray, plus en amont. Mais le pineau de la Loire, son autre nom, ne trouve point ici de tuffeau sous ses pieds. Ce sont des schistes bleus qui vont constituer son terrain d’élection et donner de sublimes liquoreux. Rabelais s’exclamait déjà au XVIe siècle, dans Gargantua, « Ô le gentil vin blanc, et par mon âme, ce n’est que vin de taffetas ».
Thierry Dussard