Michel Bettane au Chili, notre saga de l’été
L’été a commencé chaud, nos vins auront peut-être cette année
un profil d’hémisphère sud. Autant commencer à s’y habituer en révisant nos connaissances
sur les vins chiliens, modèles du continent sud-américain.
CARNET DE ROUTE | >À consulter ici… |
ALTAIR : ACONCAGUA
Cette winery spectaculaire qui un temps a appartenu en partie à la famille Dassault fait partie de l’empire San Pedro : le grand groupe familial de brasseurs a détaché 65 hectares de ses 2400 ha de vignes pour assurer à l’ensemble la notoriété apportée par la production d’un vin de prestige. Une jeune équipe de techniciens passionnés par la viticulture et la géologie, épaulés par Claudia Gomez qui a appris le vin à la meilleure école, auprès d’Alphonse Mellot et Didier Dagueneau, est en train de donner aux vins de la firme une précision inconnue jusqu’ici. On peut y étudier l’influence de la nature des sols sur l’expression des cépages, avec la révélation de la parfaite combinaison du cabernet franc et des sols volcaniques et du cabernet sauvignon avec les argiles à Andésites, le grand sol du piémont Andin, qui leur a en retour donné son nom. Les matrices de graves apportent de la fraîcheur, de l’allonge et de la finesse, mais les laves peu argileuses renforcent les amers et la rusticité des tannins et ne sont pas recommandées pour les cépages bordelais. La cuvée de prestige Altaïr, assemblage de 5 cépages m’a semblé à son meilleur en 2011, mais trop lourde et peu élégante en 2007. Mais de loin le vin le plus brillant présenté lors de ma visite est une petite cuvée de Syrah produite dans la vigne Kankana del Elqui, d’une magnifique harmonie de saveur et de texture.Une fois encore ce cépage semble encore mieux adapté à ce type de micro climat que les sempiternels Cabernets et Merlots, avec un raffinement de texture que le Carmenere ne peut atteindre. Je remercie aussi Claudia d’avoir ouvert au cours du diner le plus extraordinaire vin blanc d’Amérique du Sud que j’ai pu boire dans ma vie, et que j’ai pris à l’aveugle pour un grand Silex de Didier Dagueneau.
Il s’agissait d’un sauvignon 2003 du secteur de Leyda et de la firme Amayna. Claudia avait aidé à son élaboration avec le grand viticulteur suisse Jean Michel Novelle (toujours impliqué dans cette winery), et sa puissance, liée à la très haute maturité du raisin, sa complexité, sa persistance si éloignée des vins vulgaires et stéréotypés que j’ai hélas trop rencontrés lors de mon séjour devraient conforter les viticulteurs locaux dans l’idée qu’un grand vin est fait pour vieillir et ne montre sa grandeur qu’avec le vieillissement !
MATETIC : SAN ANTONIO
Firme très attachante et très populaire au Chili, au vignoble complètement cultivé en biodynamie, avec une partie de ses vignes dans un secteur très prometteur, El Rosario. Cette vigne ne réussit pas trop au chardonnay mais donne le meilleur rouge de la propriété , le 2012 Wine-Maker Blend Corralillo, souple, expressif et très naturel dans sa texture et son tannin, un assemblage de Syrah, Malbec et Cabernet Franc des plus originaux, parfaitement adapté au micro climat. L’autre vin mémorable de la propriété est la Syrah EQ 2012, qui par opposition soulignait la lourdeur de la syrah 2011 Matetic, au style rappelant les vins les plus rustiques d’Australie. Je n’ai pas trop aimé hélas le pinot noir 2013 et les raisins de 2015 de ce cépage qui rentraient et étaient triés sous mes yeux manquaient singulièrement de maturité réelle de peau.