Sur le millésime 2014


L’enfant précoce, puis mauvais élève et brillant candidat avec rattrapage.
Ou les préoccupations de parents vignerons.


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Laissant 2013 avec son lot de soucis viticoles et après janvier et février très pluvieux et doux, 2014 à la sortie de l’hiver se présentait déjà comme un millésime précoce.
Puis, un mois de mars plus sec et frais favorisait un débourrement assez régulier suivi par une belle pousse en avril – on avait alors 8 jours d’avance sur une année normale.
Le climat propice de mai permit une évolution normale de la 1ère partie du cycle végétatif, et la floraison dans les premiers jours de juin fut très rapide, très homogène, et les rameaux bien développés portaient des inflorescences généreuses.
Déjà se profilait la perspective d’une récolte plus abondante que celle de 2013, grâce à une belle nouaison. Jusque-là, tout allait assez bien !
Cependant, plusieurs orages d’une puissance surprenante, vent, pluie, grêle, feront quelques ravages et 4 000 à 5 000 ha furent très touchés.

Ensuite, le déroulement du cycle estival sera plus incertain, avec une forte instabilité climatique en juillet, alternance de belles journées et de séquences pluvieuses, et un mois d’août particulièrement maussade, frais et arrosé.
(Ne parlez plus de réchauffement climatique à un vigneron ! Dérèglement serait plus approprié.) Les vignes manquaient de soleil, ce qui perturbait la véraison, le mildiou se montra virulent jusque tard dans la saison, accompagné d’attaques de botrytis et de drosophiles dans certains endroits.
L’humeur et le moral alentour étaient de la même veine, situation alarmante et désespérante, après tant de travail minutieux au vignoble, rang par rang, pied par pied, jour après jour.
Il fallait être très vigilent car la perspective d’une récolte prometteuse laissait la place à un millésime délicat, à une maturité hétérogène avec de fortes disparités de charge des grappes, de poids des baies, une photosynthèse perturbée : peu de dégradation de l’acide malique, faible teneur en sucres, en anthocyanes et tanins.
Puis, puis… arriva septembre (tel Zorro ou Noé) chaud, estival à souhait, venteux bonifiant ces raisins de façon inespérée.[/col]

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Cependant, il était difficile de gommer totalement l’hétérogénéité de maturité des baies, en fonction de la nature des sols, sous-sols et de l’exposition et l’hygrométrie locales.
Mais la poursuite de ce véritable été indien en octobre permit d’attendre plus sereinement, de prendre quelques risques pour vendanger “à la carte” plus que jamais, donc des cueillettes très étalées en fonction des secteurs surtout pour les merlots, dont les rafles étaient particulièrement rouges et aoûtées (tiens, il va falloir changer ce mot… “septembrées”).
Quant aux cabernets, ils patientaient sans problème jusqu’à fin octobre suivant les secteurs.

Tandis que fringant sémillon et sémillant sauvignon blanc vendangés début septembre avec des tris drastiques donnaient des jus harmonieux et frais augurant une belle année en blanc.
Alors, autant le vigneron fut malmené, autant le vinificateur fut heureux de ces raisins dont les peaux libéraient de belle couleur, les jus bien sucrés de bons arômes de fruit mûr, une acidité classique en guise de charpente, le tout pouvant macérer, infuser longuement.

Aujourd’hui, après de belles extractions, les moûts se présentent colorés, charnus, avec une ossature harmonieuse, frais et avec un bel équilibre alcool/acidité/matières tanniques sans excès.
Assurément un beau millésime miraculé, pas aussi généreux en volume qu’escompté et dont il faut attendre un peu d’élevage pour assurer qu’il sera grand, confirmant pour cette année, à Bordeaux tout au moins, ces mots de Pierre Daninos :

“Le miracle est, avec la vigne, l’une des principales cultures de la France.”

Dany Rolland

©Claude Lada
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