C’est l’Europe qui ouvre la voie

Même si l’Europe, France et Italie en tête, a toujours été le plus gros producteur mondial, elle apparaissait il y a vingt ans comme un géant fragile par rapport aux nouveaux pays producteurs, USA, Australie et Amérique du Sud en tête. Mais, à l’inverse des pronostics qui n’ont pas manqué d’être émis à l’époque, les vignobles européens ont su se remettre en question et allier à ces caractéristiques de volume des atouts sans équivalent ailleurs de qualité et de diversité.

Cela se traduit par le prix des vins stars, pour la plupart d’origine française. Mais, à notre sens, le « miracle qualitatif » européen réside avant tout dans une progression spectaculaire et continue dans tous les vignobles, y compris les plus modestes. En outre, cette amélioration s’est faite sans trahison ni uniformisation, mais en retrouvant les qualités originelles de chaque vignoble. En dépit de tous les progrès viticoles effectués en Californie, en Australie, en Argentine et ailleurs, la plupart des principaux cépages – pinot noir, cabernet-sauvignon, merlot, grenache, syrah, mourvèdre, tempranillo, nebbiolo, riesling, chardonnay, sauvignon blanc, chenin blanc, trebbiano – continuent d’atteindre leur expression la plus noble sur leurs sols originels européens. Mieux, l’Italie en est un parfait exemple, des cépages autrefois oubliés ou classés à tort dans des catégories inférieures, acquièrent aujourd’hui un statut plus brillant et plus authentique : barbera, arneis, teroldego, fiano, nero d’avola, sangiovese, maccabeu, counoise, etc. Pour prendre un autre exemple spectaculaire, on peut à juste titre remarquer que la qualité des vins autrichiens d’aujourd’hui, à mille lieux du désastre viticole que fut ce pays dans les années 80, s’est construite sur des vins séducteurs, mais à forte personnalité, notamment issus du cépage local grüner veltliner. En comparaison, beaucoup de pays du Nouveau Monde restent prisonniers d’une conception souvent plan-plan de la segmentation marketing, avec des produits de base partagés par tous (les « GSM », grenache-syrah-mourvèdre, et « Shiraz » pour les Australiens, le cabernet-sauvignon pour les Chiliens, etc.) et des spécialités à vocation iconiques ensuite.

Comment expliquer cette supériorité européenne ?

Jusqu’aux années 70, le vin fut une activité dans laquelle la recherche de qualité était un facteur secondaire, circonscrit à quelques vignobles ou crus, tandis que la part la plus importante des efforts du secteur portaient sur les volumes, la régularité de production et l’augmentation des rendements, comme dans les autres secteurs de l’agriculture. C’est aujourd’hui une activité de PME, ou de TPME, pour lesquelles sortir du lot est une exigence vitale. Ce fourmillement, où l’on sait multiplier les compétences dans la vigne, au chai, mais aussi dans le marketing et la conquête de nouveaux marchés, est un moteur fort quand on dispose d’un éventail aussi large de situations géographiques et géologiques, d’une expérience multi-séculaire dans le choix des cépages et des méthodes de production et, at last, d’un a priori favorable des consommateurs du monde entier à l’égard des vins européens.

Il y a enfin un dernier aspect, largement partagé entre la France et l’Italie, qui contribue plus largement qu’on ne le croit à la recherche de la qualité : le débat. Sur les méthodes de production, les styles et les écoles, la philosophie du travail, le bio et ses multiples variantes, les règlements et leurs applications, les hommes et les femmes du vin, les critiques et les gourous, les cavistes, les restaurateurs, les mirages du marché chinois et le déclin des foires aux vins, tout est sujet à discussion, à chapelles, à blogs, mais aussi à réflexion, à remises en cause et, au final, à progression. C’est bien le moins.

À lire aussi