Serge Hochar (Château Musar) est parti, son œuvre restera

Serge Hochar, PDG de Château Musar, président de l’Institut de la Vigne et du Vin, et ancien patron de l’Union Vinicole du Liban (UVL), est décédé le 31 décembre 2014 à 74 ans d’un accident en mer alors qu’il était en vacances avec sa famille à Acapulco. Il avait su à la fois mieux faire connaître son produit auprès des amateurs éclairés en Grande Bretagne, où il était ami de nombreux critiques influents, et en France où il parlait merveilleusement la langue et aimait la gastronomie. Il avait aussi et surtout tenu à lui conserver un style inimitable, aux antipodes des vins très structurés et colorés qu’on croit à tort être les enfants légitimes du soleil, mais qui trouvait sa source et sa raison d’être dans toute l’histoire des vins du pourtour méditerranéen.
En ces temps d’internationalisation du goût, de privilège de la puissance et de l’immédiateté des saveurs, Château Musar offre donc un brillant et très raffiné contrepoint. Ce cru historique de la plaine de la Bekaa déploie en effet un charme un rien suranné mais tout à fait envoûtant à travers ses vins rouges mais aussi blancs et même rosés, souvent proposés après plusieurs années de maturation en bouteilles. Château Musar exprime avec un talent très personnel la notion d’une civilisation du vin fondée autant sur le mélange complexe d’influences diverses que sur le primat de l’élégance.
Né en 1930 et tirant son nom du château du XVIIIe siècle, baptisé M’zar, Château Musar est l’œuvre d’une famille, les Hochar, et en premier lieu de Gaston qui s’amusa d’abord à créer ce vin, avec les conseils avisés de son ami Ronald Barton, qui dirigeait alors le célèbre cru de Saint-Julien, Château Léoville-Barton. Les Hochar se prirent au jeu et Musar devint, sous l’impulsion de Serge, fils de Gaston, le cru le plus célèbre du
Moyen-Orient.
Avec son vaste vignoble (180 hectares, en rouge : cabernet-sauvignon, carignan et cinsault ; en blanc : obeideh et merwah) situé à 1 000 mètres d’altitude dans la plaine de la Bekaa, il devint même le symbole, lors de la dramatique guerre qui ensanglanta le pays, d’une civilisation qui résiste et survit au fracas des armes.
Il faut découvrir l’original et généreux blanc 1999, empreint de noblesse et d’une élégance à l’ancienne, avec son ampleur et son bouquet mielleux. Château Musar rouge possède aussi un charme raffiné, particulièrement dans des millésimes 1998 et 1999 offrant beaucoup de subtilité et de longueur pleine de finesse.
Château Musar rouge 1999 est un vin très évolué, mais persistant dans ses arômes et très prenant par la finesse de ses sensations tactiles. Il réunit le meilleur de deux mondes : l’équilibre de corps et la fraîcheur qui ont fait la célébrité des crus classiques du Médoc, et les notes de résine de pinède et d’herbes aromatiques de garrigue qui embaument les hauts plateaux surplombant la Méditerranée.

À lire aussi