Le Cas Pernin Rossin et la « méthode » Accad 1978/1998 – Deuxième partie
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Il était tout le contraire de sa réputation de dernier « recours » pour les cuvées abîmées que tous ses autres confrères renonçaient à « corriger ». J’aurais ici la charité de ne pas révéler le nom de domaines célèbres et très médisants pour lui, dont j’ai vu passer des échantillons épouvantables dans son petit laboratoire de Nuits, apportés par eux en désespoir de cause. Pour avoir tout essayé, il s’était forgé une vraie morale pour ses bons clients : donner au sol la nourriture dont il a besoin et seulement elle, sans aucun apport de potasse, grâce à des analyses précises de terre qu’il était le seul à faire faire. Il demandait au vigneron de vendanger le raisin le plus mûr possible, sans jamais corriger son tannin ou son acidité, et il contrôlait avec précision la cinétique des fermentations, en mathématicien virtuose, comme souvent avec les œnologues libanais. Il avait compris en 1978 en vinifiant la récolte des hospices de Beaune (qui n’ont rien conservé de ce millésime hélas) l’intérêt d’un raisin rentré froid dans le cuvier et les effets d’une macération pré fermentaire à basse température aussi longue que possible. La polémique est née de la protection en soufre de cette phase fermentaire. Pour avoir assisté à quelques vinifications dans ma phase d’apprentissage chez Confuron, je peux certifier qu’il n’utilisait que 1,5 à 2 litres de solution de SO2 par tonne de raisins, soit 10 à 12 grammes /hl une dose pas si importante que cela, et encore très fréquente chez nombre de grands viticulteurs actuels.
Mais comme les choses s’enflent facilement dans le petit monde paysan et jaloux de la côte d’Or l’œnologie officielle avait décrété que le protocole suicidaire de vinification accadien était de 5 à 6 litres de solution, et qu’il fallait le combattre énergiquement, sans même se demander si avec cette dose le raisin est encore capable de fermenter ! La femme de Guy tenait parfaitement leur petit laboratoire, mais après leur séparation Guy s’est montré moins scrupuleux dans ses analyses œnologiques et s’est enfermé dans une recherche de l’extrême en matière de refroidissement du raisin, allant jusqu’à les congeler pour extraire davantage par le différentiel de température les anthocyanes contenues dans la peau des raisins, avec leurs précurseurs aromatiques.Il eut quand même en 1988 la bonne idée de retarder le plus possible dans une glorieuse arrière-saison la date des vendanges chez ses clients qui ont été les rares, je dis bien les très rares à cueillir les raisins au-dessus du degré minimum légal de 11,5° pour les premiers et grands crus, avec une réussite absolument remarquable. En revanche les approximations de ses analyses et sa fâcheuse habitude de ne vivre que la nuit et de venir dans les caves après 10 heures du soir ont peu à peu découragé ses clients.
André Pernin cessera de travailler avec lui à partir de 1987.Mais entre-temps Baudinet avait pris sa retraite et Pernin n’aura jamais plus confiance en ses tonneliers, entonnant tard, trop tard en barrique et n’arrivant plus à donner assez d’oxygène pour combattre les fortes réductions nées des cuves en plastique à chapeau flottant dont il s’était entiché. Ces réductions soufrées à dominante intense de bourgeon de cassis ont naturellement fait couler beaucoup d’encre. On a bien sûr accusé le vigneron de toutes les triches qu’on réservait pour soi, à commencer par celle d’ajout d’arômes aromatiques. Les services de la répression des fraudes ont dans leurs archives le nom de quelques figures connues qui ont largement triché par acidification illégale ou additions d’arômes, mais dans le cas Pernin il était évident que la stabilité de ces arômes de réduction ne pouvait venir que du ferment. Ce cassis était certainement une simplification du bouquet habituel du pinot noir mais au moins il permettait d’éviter les énormes défauts d’éthyls phénols produits par les levures bretannomyces si fréquents à cette époque, et les déviations acétiques qui l’étaient tout autant ! Les 1986 de pernin, exceptionnellement frais et issus de raisin mûr (12°8 naturels pour la Richemone, que j’ai en partie vendangée) mais au fort arôme de bourgeon de cassis, commencent seulement aujourd’hui à diversifier leur bouquet même si le cassis perdure. Rappelons quand même que le cassis est un des marqueurs naturels de certains terroirs de Nuits Saint-Georges. Ils ont encore aujourd’hui une vivacité et un éclat que j’aimerais bien trouver chez les autres. Christophe Perrot-Minot, un des vinificateurs les plus accomplis et idéalistes de sa génération a beaucoup aimé ces Richemones, et vinifie désormais pour lui les vins de ce climat : il doit bien s’amuser devant la légèreté de certains commentaires qu’on aimerait croire plus naïfs que perfides !