Le Cas Pernin Rossin et la « méthode » Accad 1978/1998


Première partie


Les amateurs de Bourgogne en France et à l’étranger m’ont souvent reproché mon affection pour les vins du domaine André Pernin-Rossin à Vosne-Romanée dans les années 1980 et 1990. André Pernin a pris sa retraite depuis plus de 10 ans et ses meilleures vignes (Les Champs Perdrix et les Beaumont sur Vosne, Les Charmes et les Baudes sur Chambolle et la Richemone et les Murgers sur Nuits) ont été achetées par le domaine Perrot-Minot. Mais la polémique autour du style de ses vins reste vivace, car certains amateurs aiment avoir la dent dure et expriment encore aujourd’hui, sans mâcher leurs mots, leur point de vue. Leur jugement évidemment sincère et parfaitement respectable est souvent né de malentendus ou de ragots colportés par des vignerons ou des techniciens jaloux, sans avoir été vérifiés. Rappelons donc certains faits avant que l’histoire ne les oublie. André Pernin a commencé sa carrière comme ouvrier agricole et sa première épouse Monique travaillait chez Moillard. Avec le temps il est monté en grade, très bien vu de ses employeurs, et exploitait quelques vignes, dont la majorité était en métayage. De son passé d’ouvrier agricole il n’avait pas oublié les bons gestes du travail de la vigne ! Or le niveau de viticulture moyen de Vosne- Romanée à la fin des années 1970 était un vrai cauchemar pour le jeune journaliste du vin que j’étais. Les sols n’étaient plus travaillés, mais désherbés chimiquement, à de très rares exceptions près. On n’ébourgeonnait plus, on vendangeait avant maturité, on chaptalisait à outrance. Même Henri Jayer n’échappait à aucun de ces reproches ! Pas question non plus de vendanges en vert ou de tri perfectionné à la vigne, les tables de tri comme celles que nous connaissons n’existant pas. Le vigneron le plus influent du village, dans le cadre de la commission technique de l’INAO avait même entamé une croisade pour autoriser 2°,5 de chaptalisation, comme pour les vins du nord de l’Europe et je m’étais sévèrement disputé avec lui sur ce point en lui faisant remarquer qu’un Richebourg vendangé à 10°,5 et remonté à 13° (euphémisme pour 13°,5 ou 14 réels) ne servirait pas vraiment la cause de l’expression du terroir, un quart du volume réel du vin ainsi produit étant obtenu par le sucre de la betterave !

André Pernin faisait partie de ceux, très rares, comme Jacky Confuron ou les ouvriers du domaine de la Romanée-Conti, qui continuaient à faire le vrai travail, parfois sous les regards moqueurs de ceux qui croyaient être les pionniers de la « modernité ». Mais j’avais été surtout surpris de sa patience pendant les vendanges, en 1978, 1979, 1980, 1981, et de l’état sanitaire remarquable de ses vignes dans des millésimes à botrytis galopant comme 1986. La dégustation comparative de ses 1979,1980, 1981,1982 et 1983 par rapport à la moyenne locale était un camouflet pour bien des noms plus réputés. Deux cuvées sortaient vraiment du lot, un Vosne-Romanée Beaumont d’une élégance naturelle irrésistible mais surtout un premier cru peu connu de Nuits Saint-Georges, la Richemone, d’une race, d’une complexité et d’une persistance hors concours. La vigne appartenait en partie à André Pernin, mais pour l’essentiel à la famille Dufouleur, puis dans les années 1985 à …..Gérard Depardieu qui, enthousiasmé par la qualité des derniers millésimes, eut très vite la générosité incroyable de l’offrir à son métayer. Dans ces millésimes les vins n’avaient pas de réduction et étaient marqués par un des boisés les mieux intégrés dont je me souvienne, grâce à la qualité des barriques d’un petit tonnelier local, Baudinet, travaillant sur des bois de la forêt de Citeaux. J’ai mis trois ans au moins à découvrir que ce vigneron bénéficiait (comme Jacky Confuron, d’ailleurs ) des conseils d’un étonnant agronome et œnologue libanais, Guy Accad, formé à Montpellier par le grand agronome Branas…
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