L’ambassadeur
Hormis en Champagne, ceux qui ont réussi à imposer leur signature sont rares. Le lieu prime habituellement sur l’homme. Ce n’est pas faire injure à leur talent que d’affirmer que les vignerons, les administrateurs ou les propriétaires des crus classés de Bordeaux ou des domaines mythiques de Bourgogne doivent d’abord la célébrité mondiale de leur production à l’emplacement privilégié de leurs vignes, de surcroît reconnu comme tel depuis des siècles. Faire de son nom la garantie d’un certain style, l’assurance d’une régularité de qualité quel que soit le tarif et, surtout, l’ambassadeur d’une région entière sous toutes les latitudes est une autre affaire. Celle de Gérard Bertrand.
Appétit de terroirs
Gérard Bertrand, ancien rugbyman du RC Narbonne puis du Stade Français, mais vigneron et fils de vigneron des Corbières, a donné une excellente traduction viticole du fameux « think local, act global ». Ancré dans son terroir majestueux, mais austère des Corbières, Gérard Bertrand a fait du terme générique « Sud », systématique leitmotiv de sa communication, à la fois une quasi propriété privée et une définition de sa production. À travers des propriétés dans l’ensemble des grands terroirs du Languedoc-Roussillon, Corbières bien sûr, mais aussi Limoux, Cabardès, Tautavel, Rivesaltes, Minervois, Larzac, mais aussi désormais un centre de vinification aussi écologique qu’ultra moderne aux portes de sa ville de Narbonne pour les différentes gammes de vins qui portent sa marque, tout définit cette idée du sud de la France aussi bien dans sa diversité que dans son unité.
Grand Cru
Que l’on soit un consommateur français, chinois ou américain, il n’y a donc pas besoin d’avoir sillonné le Languedoc et le Roussillon par toutes ses départementales pour comprendre les forces et la variété des vins de Gérard Bertrand. Il manque certes à cette construction brillante l’étage suprême, celui dont on parlait en citant Bordeaux ou Bourgogne : le (très) grand cru. S’il avait existé dans sa région un domaine mythique, célèbre dans le monde entier, il aurait certainement tout fait pour l’acquérir. Mais, comme la perle rare n’existe pas, il l’a tout simplement créé. Sur un terroir escarpé du cru La Livinière, en Minervois, entre grenache, syrah et carignans centenaires, il signe le premier millésime, 2012, d’un cru aussi ambitieux qu’authentique, le Clos d’Ora.