De tous les grands crus dont la Bourgogne peut être fière, pour reprendre un début de phrase célèbre du Docteur Lavalle, auteur de la non moins célébre « Histoire et Statistique de la Vigne des Grands Vins de la Côte d’Or », le corton est sans doute celui qui a perdu le plus de prestige. Considéré naguère comme un rival possible du chambertin, il vaut aujourd’hui beaucoup moins cher. A-t-il démérité ou bien sa relative défaveur actuelle n’est-elle qu’un effet de mode ?
On a certainement réuni dans la délimitation actuelle du grand cru des vignobles au potentiel trop inégal et d’une superficie excessive. Les meilleurs climats classés grand cru ou premier cru de Bourgogne dépassent rarement 20 hectares. Le grand cru Corton, si l’on additionne les vignes rouges et blanches, couvre 160 hectares et produit largement plus de 600 000 bouteilles, ce qui ne permet pas la rareté de l’offre propre aux séries limitées.
Sur ces 160 hectares, plus de la moitié ne peuvent – à leur meilleur – produire qu’un excellent vin, certes bien constitué et largement supérieur aux crus d’appellation village, mais ne possédant ni le raffinement de saveur et de texture ni l’originalité de caractère qui font les vrais grands crus.
Sur ce point, on aurait dû suivre la tradition et se limiter aux parties du cru classées « têtes de cuvée » au milieu du XIXe siècle qui, elles, ont toutes les qualités requises pour permettre ce supplément de tempérament qui fait les vins d’élite. Avec une petite marge d’agrandissement pour corriger un ou deux oublis.
Par ailleurs, ce grand cru trop vaste ne possède pas vraiment de producteurs emblématiques ayant constamment dans le dernier demi-siècle livré au public un vin digne de ses attentes. Le constat s’applique d’ailleurs davantage aux rouges qu’aux blancs.
On connaît le cercle vicieux dont sont victimes les vins de communes voisines de grands terroirs à la réputation mondiale mais quasi inconnues du grand public. C’est le cas des vins de villages comme Pernand-Vergelesses ou Ladoix-Serrigny. Le manque de notoriété ne permet pas de vendre à un prix suffisant pour optimiser la qualité et, désespéré, le producteur cherche à diminuer les coûts de production et donc, à terme, continue à banaliser la qualité et à rendre la demande encore plus faible.
Il est quand même encourageant de constater que quelques viticulteurs parviennent à éviter cette dérive et à mettre en valeur un ensemble de crus à la personnalité très attachante qui offrent quelques-uns des meilleurs rapports qualité/prix de la Côte de Beaune.
A découvrir : le grand cru Corton et ses différents climats