À 39 ans, Thomas Henriot, président des champagnes Henriot, représente la 7e génération de la famille. Son père est président du conseil de surveillance du groupe, qui englobe désormais la maison Bouchard Père et Fils depuis 1995 et les chablis Wiliam Fèvre. So chic.
Quand on travaille avec son père, doit-on prendre ou recevoir le pouvoir ?
Le pouvoir, c’est un gros mot pour une entreprise familiale. Je m’entends extrêmement bien avec mon père et c’est une joie de travailler avec lui. J’aurais tort de ne pas m’appuyer sur son expérience et son savoir-faire pour les décisions importantes. J’ai besoin de son regard. Voilà ce que je pense : il est juste que ce qui est juste soit suivi.
Pourquoi la cuvée blancs de blanc reste-t-elle votre préférée ?
Le chardonnay est un cépage incroyable. Ma famille lui doit énormément. On n’oublie jamais que le chardonnay a donné à Meursault et à Montrachet des vins d’une race exceptionnelle. Et sur la Côte des blancs, il représente énormément de légèreté, de dentelle. On aime les vins aériens à la maison. Et sérieusement, qu’est-ce que je changerais à quelque chose qui fonctionne si bien ? Croyez-vous que je vais réinventer la roue ? On ne sort pas comme ça une invention tous les mois. Ça fait quinze ans qu’on travaille sur un projet, on vous en parlera en temps voulu. Mais une chose est sûre : je ne vais pas faire un ramdam pour 0,2g/l de sucres en moins. On sait ce que la nature est capable de nous donner et aussi de nous reprendre. Je ne suis pas le petit chimiste, moi. Je suis un nain sur les épaules d’un géant. Je suis un passeur.
Comment vous changez-vous les idées ?
J’aime beaucoup la montagne. J’y vois la pureté du ciel, la grandeur de la nature, la petitesse de l’homme. Et puis il y a une idée de dépassement de soi, on peut se mettre en cause. C’est un choix très personnel. Le contact avec la roche, que ce soit du calcaire ou du granit, les sensations ne sont pas les mêmes, les textures, les lignes et failles des rochers. Le rapport qu’on peut avoir avec la montagne est incroyablement puissant. Et sensuel.
Et comment descendez-vous ?
Ça dépend des saisons. Je fais du télémark depuis plus de quinze ans. J’y ai trouvé des sensations extraordinaires. C’est élégant, c’est gracieux. C’est très exigeant aussi. Et ça provoque de grandes sensations.
Comme le champagne. Vous en buvez en montagne ?
C’est très curieux, mais l’altitude change la perception du goût, compte tenu de la raréfaction de l’oxygène.
Du champagne dans votre bain ?
Quand on parle du bain aujourd’hui, c’est un lieu exigu. Mais autrefois, c’était un endroit de plaisir. Dans une baignoire, je ne bois jamais seul.
Quels vins avez-vous dans votre cave en dehors des champagnes et des bourgognes ? (il botte en touche, j’insiste) Avez-vous des muscadets ou des languedocs ?
Non, mais je ne vais pas vous le dire.
Donc en fait, vous n’en avez pas.
(rires) Je… Je ne vais pas vous dire ce que j’ai dans ma cave. J’ai plein de belles choses. Clos Saint-Hune, ça vous parle ?
Cet interview a été publié le 1er décembre sous une forme différente dans Mes Dimanches Vin, le supplément mensuel du Journal du Dimanche.