Il y a 15 ans, Gilles Pons quittait Paris pour acheter avec sa femme Pascale un vieux mas provençal et quelques vignes. Aujourd’hui, ils en possèdent 35 hectares et le domaine s’appelle Château Les Valentines. Leurs vins, en côtes-de-provence-lalonde, connaissent un franc succès. Dans cette histoire, il y a beaucoup d’amour.
Vous avez tout fait à deux en amoureux ?
Ce domaine, c’est notre troisième enfant. C’était une volonté commune, de A à Z. Quand on a mis les mains dans ce projet, on a dû y mettre les bras, puis tout le corps. Pour être très franc, notre première idée était de pouvoir faire ça à mi-temps. Comme beaucoup de citadins, je crois. Mais personne n’avait jamais vinifié sur ce mas, le raisin allait à la coopérative. On est parti d’une page blanche, on s’est laissé guider par nos envies. Donc on s’y est consacré à 100% et voilà.
Comment avez-vous inventé les noms ?
D’abord on s’est creusé la tête pour trouver un nom de domaine, parce qu’il n’y en avait pas. On a mélangé les prénoms de nos enfants, Valentin et Clémentine, pour créer Les Valentines. Un vin d’amoureux. En plus, par le plus grand des hasards, notre tout premier vin, notre 1997, a été prêt le jour de la Saint-Valentin.
Les noms de cuvées viennent de nos expériences dans les vignes. « Bagnard », c’est une plantation qu’on a fait pendant trois semaines, quasiment jour et nuit. On nous avait livré des jeunes plants mais notre terrain était envahi de cailloux. On avait très peu de temps et on a levé les pierres à la main comme des bagnards. « La punition », c’est l’histoire d’une parcelle de vieux carignans laissés à l’abandon. Quant on l’a récupérée, on avait 50 à 60 micro-grappes par pied de vigne. Avec les vendangeurs, on passait 15 à 20 minutes sur chacun. Le nom s’est imposé.
Vous avez découvert les joies de l’ administratif.
Le rapport entre l’administration et le monde vigneron est catastrophique. Les vignerons de plus de 75 ans sont en train de lâcher prise, les enfants ne veulent pas reprendre parce que la pression administrative et informatique est épouvantable. Il y a deux ans, je me suis énervé. Pour la troisième fois dans la semaine, quelqu’un me contactait pour venir contrôler mes surfaces et j’avais fait le compte : huit structures en tout dans l’année viennent mesurer. Mais sur les huit administrations, personne n’a trouvé la même surface. Et encore, on n’a que 35 hectares… Enfin, entre 35 et 40. C’est kafkaïen.
Comment vous vous détendez ?
En se promenant dans le monde avec nos bouteilles. On discute, on échange, on fait goûter. Par exemple, on est très bien distribué aux Maldives, c’est assez fou. On y va tous les 18 mois car c’est notre gros marché d’export. Une bouteille sur un ponton au coucher de soleil sur l’île la plus au sud des Maldives, c’est assez magique, je n’ai pas trouvé plus romantique.
Le vin et vous – l’anecdote honteuse :
Nous les vignerons, quand on voit quelqu’un se servir un rosé piscine, avec des glaçons, ça nous fait mal au ventre. Parce qu’on se bat pour faire des vins élégants. Mais bon, quand je vais faire du bateau avec les copains au large de Porquerolles, on n’hésite pas à rajouter de l’eau pétillante dans le rosé. Parce que ça désaltère super bien. Mais il ne faut pas le dire, hein.
Cet interview a été publié le 1er décembre sous une forme différente dans Mes Dimanches Vin, le supplément mensuel du Journal du Dimanche.