Le droit canon est bien évidemment celui de Saint-Émilion. Parmi les premiers de la classe, son grand prêtre se nomme John Kolasa, un barbu comme dans Au nom de la Rose. Ce parfum si délicat se retrouve dans l’autre propriété qu’il dirige, le Château Rauzan-Ségla, deuxième cru classé de Margaux. Ces deux éminences tanniques se retrouveront dans un Atelier truffe au Grand Tasting en compagnie du Pape de la truffe, Pierre-Jean Pébeyre, qui dirigera la manœuvre. Par gourmandise, je me suis laissé aller sur le rauzan-ségla 2010, puissant, aromatiquement parfait, avec cette élégance vibrante qui lui est propre. Le 2009, plus en onctuosité, offre lui aussi une finesse à couper le souffle. Ils seront parfaits dans une vingtaine d’années pour trufficoter.
Pour le 7 décembre, il est préférable de choisir un millésime plus ancien du style 2001, dense, serré, avec une allonge très stylée et une finale sur la rose très délicate, à moins que le 1998, qui commence à bien émerger, ne soit le vin de la situation. Son nez très profond avec ses accents de tabac et de poivre de Tasmanie nuancé de fruits rouges fait saliver. La bouche est suave et raffinée avec une persistance que l’on retrouve dans les grands margaux. C’est un vin idéal pour le foie gras truffé qui s’accommode tout aussi bien d’un canon 1998 qui, si on lui laisse le temps de respirer, sortira de sa réserve pour atteindre une forme de plénitude truffière.
Dans la comparaison entre canon 2001 et canon 2000, le premier, droit et profond, va naturellement vers une melanosporum crue alors que le second, plus en densité, a besoin que le diamant noir soit légèrement chauffé. Je me suis laissé aller sur le canon 2010 qui offre une amplitude et une chair admirables, le tout avec une fraîcheur superlative. Il convient évidemment de le carafer trois heures avant le service pour qu’il laisse deviner tout son potentiel sur un beurre truffé.
Denis Hervier