Une passion nippone

Vous connaissez le jeu, on l’a fait plusieurs fois déjà. Frédéric Panaïotis, chef de caves de la Maison Ruinart, partage avec nous sa vie et ses avis (là il part pour le Japon, sa destination culinaire favorite), pose des questions et attend des réponses, si vous en avez, directement sur son compte Twitter @CarnetsRuinart.

« Attention, je suis passé en mode nippon, et là je suis intarissable. Emboîtez-moi le pas pour découvrir mes adresses préférées à Paris. Banzaï. Ceux qui me connaissent un peu le savent, la cuisine japonaise est de loin
ma préférée. A tel point que j’essaye chaque année de faire pousser du myoga et du shiso sur mon balcon, que je prépare la soupe miso à la maison en faisant le dashi dans les règles, et aussi les tempura qui accompagnent les udon en hiver. Bref, je pousse le bouchon sans doute un peu trop loin, mais à Reims, point de restaurant japonais traditionnel pour contenter mes envies. Il faut dire que j’ai la chance d’aller régulièrement au Japon pour Ruinart,
et qu’après avoir été au contact des restaurants traditionnels de Tokyo, d’Osaka ou encore Kyoto, il est difficile
de se satisfaire d’ersatz.

Alors quand nous allons en famille à Paris, notre choix se porte souvent des restaurants japonais. Et pas forcément un sushi-ya, là où les sushi ou sashimi sont rois. Même si un grand restaurant de sushis, c’est une expérience gastronomique presque “orgasmique”. Pour en profiter pleinement, montrez votre confiance dans le chef en lui demandant “Omakase kudasai”, ce qui signifie que c’est lui qui choisira l’ordre des services, les meilleurs poissons et coquillages du moment. Disons le tout de suite, compte tenu de la qualité de poissons et de la préparation, ça ne peut pas être très bon marché. Je suis un inconditionnel de Kifune, rue Saint-Ferdinand,
où le chef Kosa Takabe prépare des sushis de haut vol. Bien sûr, il n’y a pas la même diversité de poissons, coquillages et crustacés que sur les terres japonaises, mais c’est très très bon. Quelques autres adresses où les sushis valent le détour et où il vaut mieux réserver longtemps à l’avance : Isami, Bizan et Takara, le plus ancien sushi-ya de la capitale.

Délaissons cependant le conventionnel pour découvrir la cuisine kaiseki, ou kaiseki ryori, succession de plats
divers et variés, complémentaires en termes de couleurs, d’apparence, de texture, de goûts, ingrédients de saison… Bref, tout pour satisfaire les éternels insatisfaits gourmets que nous sommes. En France, le concept diffère un petit peu du kaiseki traditionnel qui consiste en une suite d’entrées et de plats couvrant les différentes méthodes de cuisson, jusqu’à huit. Pas ou peu le choix, le menu est fixe. Enorme avantage, le chef achète une quantité limitée,
et privilégie la qualité avec des ingrédients de pleine saison. Petit inconvénient, certains plats ou ingrédients peuvent ne pas être à notre goût, mais c’est un petit risque à prendre. Parmi mes adresses favorites en la matière, il y a Guilo-Guilo, à Montmartre. Le chef Eiichi Edakuni a la ferveur et l’enthousiasme des habitants d’Osaka. Cuisine inventive, qui change tous les mois, et quelques beaux flacons de vins et de saké (réservation indispensable).

Kura, près de la Muette, est un superbe décor contemporain et japonais, et sa cuisine fait la part belle aux poissons et aux crustacés. Les desserts valent aussi le détour, ce qui n’est pas toujours le cas dans les restos japonais. L’influence française peut-être ? Là aussi, une belle carte des vins pour tenter de jolis accords. Et un excellent rapport qualité / prix. Toyo, enfin. Autour du menu déjà bougrement tentant, le chef Toyomitsu Nakayama propose des suggestions, certes un peu onéreuses (comptez près de 80 euros pour un menu), mais presque irrésistibles, comme le sandwich d’oursin ou des plats à base de homard ou de foie gras. Ici, le chef n’hésite pas à se servir d’ingrédients bien de chez nous tout en les traitant en mode kaiseki. Les saveurs sont d’un raffinement et d’une complexité extrêmes et les cuissons d’une précision incroyable. Courez-y au moment de la saison des cèpes. A peine sautés à la plancha et finis au chalumeau, c’est un régal. Dernier conseil, si vous êtes comme moi passionné par les préparations des plats, demandez à être installés au comptoir pour profiter du spectacle.

Pour finir, une adresse pour budget plus serré : Kunitoraya. On attend un peu dehors, mais ça vaut le coup. Leur spécialité, ce sont les nouilles, chaudes ou froides. Rien de tel qu’un plat de kamaten-udon (assiette de délicieuses tempura et un bol d’udon avec son bouillon) pour vous réchauffer en hiver. Une excellente adresse en plein coeur de la rue Sainte-Anne, même s’il y en a d’autres. Un Kunitoraya 2 a ouvert récemment, un poil plus chic, et j’ai hâte de le découvrir. Voilà, vous savez tout de mes spots nippons à Paris. Si, vous aussi, vous connaissez de jolies adresses, n’hésitez pas à m’en faire part. »

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