Catherine Péré-Vergé nous a quitté

Elle était l’exact inverse de la caricature qu’en fit le cinéaste Jonathan Nossiter dans Mondovino. Ce n’était pas la comtesse aux champs, fabriquant sa future cuvée parkerisée en obéissant béatement aux injonctions d’un Michel Rolland mécanique, mais l’incarnation de l’absolue exigence, au-delà de tout, au-delà des relations avec les autres, les proches comme les plus lointains, avec qui elle entretenait des relations paradoxales.
Catherine Péré-Vergé était une femme du Nord, issue d’une de ces grandes familles où l’on tait autant les douleurs que le bonheur, une femme du Nord qui avait choisi Pomerol pour construire une seconde vie, une seconde œuvre. Bien sûr, elle avait de l’argent, mais elle ne s’est pas contenté de le dépenser avec un certain faste – le château Montviel pour commencer, l’illustre endormi Le Gay pour suivre, l’étoile mystérieuse La Violette pour finir, elle s’est impliqué comme personne dans l’ascension de ses crus, s’interrogeant sur toutes les pratiques culturales, sur tous les moments de la vendange, sur toutes les options de vinification, sur toutes les tendances de l’élevage, sur tous les axes de communication, sur tout, en étant capable à chaque fois de remettre à plat ses convictions et ses a priori. Combien de vignerons depuis cinquante générations, combien de professionnels aguerris ont été capable d’associer ainsi, en permanence, la plus absolue humilité et la quête la plus ambitieuse ?
Catherine était ainsi, et son œuvre viticole est tout sauf anodine. Montviel est devenu un archétype formidable du grand pomerol, Le Gay s’est rapidement imposé comme l’un des incontournables de prestige de l’appellation et la Violette concourt avec le Pin pour le titre de prince de l’exubérance bordelaise. Ça ne l’a pas fait changer pour autant : je l’ai toujours connu humble, inquiète et insatisfaite. Certains avait pris cela pour de l’ignorance. Ils avaient tort. C’était au contraire le témoignage de la grandeur de cette femme qui manquera à Bordeaux et à tous les amateurs de grands vins.

Thierry Desseauve

À lire aussi