Le vin bio de la rédemption à l’imposture

Pour faire suite à l’échauffourée provoquée par certains à propos de l’article publié par le magazine italien Il Gambero Rosso, voici un texte de Michel Bettane et Thierry Desseauve qui tient lieu de position officielle de la maison sur le sujet.

“Les esprits rationalistes ne se réjouissent guère en ce début de millénaire. Les déroutes des idéologies nées de l’esprit des lumières, dévoyées par la dérive des ambitions ont fait place au retour des religions ou des attitudes religieuses. Toutes les activités humaines sont concernées, l’agriculture comme les autres et pour les mêmes raisons. La viticulture et au premier plan celle des vins de qualité parce qu’elle touche à des produits qui suscitent le rêve paie le prix fort pour s’être égarée depuis les années 1960 dans le piège de la productivité et de l’oubli de son fondement : la mise en valeur respectueuse et durable de terroirs exceptionnels dus à d’heureux hasards de nature. Au nom du retour à la morale de l’authenticité et du respect de cette même nature on assiste à d’inquiétants reculs de civilisation, cachés sous les meilleures intentions et s’organisant autour de concepts en apparence inattaquables comme celui de viticulture biologique ou de vin « naturel ». Et c’est, en fin de compte,
le consommateur qui fait sans le savoir les frais de mauvais raisonnements et de pratiques qui confinent à l’imposture.

Certes, pendant des dizaines de siècles, l’homme a cultivé sol et plante en ne comptant que sur sa force de travail ou celle d’animaux capables de la démultiplier. Des générations de paysans ont sué sang et eau pour tracer des sillons dans le sol ou piocher les mauvaises herbes. Ils ont maintenu ainsi intact dans leur terre une vie biologique et un éco système qu’ils ont largement contribué à définir et qui n’a rien de « naturel ». Aucun vigneron n’aurait accepté de laisser ses vignes être envahies par le liseron, mangées par les lapins ou les sangliers, ou sa terre de coteau laminée par les orages. Il a donc utilisé ses bras ou ses armes pour les combattre. Mais, esclave du destin,
il assistait impuissant aux ravages de la grêle, du gel, des insectes prédateurs et à tous les caprices climatiques qu’il ne pouvait ni prévoir ni corriger. Les progrès du savoir lorsqu’ils lui ont permis d’être moins passif ont été accueillis avec enthousiasme et l’ont peu à peu enrichi en lui donnant des récoltes plus régulières et plus abondantes. Il faut dire que, de toutes les plantes cultivables, la vigne est la plus fragile, la plus capricieuse…

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