Michel Bettane a parcouru la France pendant les vendanges, comme chaque année. De ce tour, il est revenu avec quelques convictions. Que peut-on attendre de ce nouveau millésime ?
Les réponses, région par région, ci-dessous.
Un peu partout en France les vendanges 2012 ont été rendues difficiles en raison de mauvaises conditions climatiques de mars à juillet, et d’un temps instable après le 20 septembre, pendant une grande partie du ramassage des raisins. Mais, après un tri sévère de la récolte rendu possible par les progrès de la technique,
les maturités et l’état sanitaire des raisins sont excellents avec, dans beaucoup de cas, des vins très sérieusement constitués grâce à une toute petite récolte (souvent la moitié d’une récolte normale) et capables d’un long vieillissement. La crise économique mondiale empêchera les prix d’augmenter en proportion de la faible récolte
et la situation financière de beaucoup de vignerons va se dégrader, avec de nombreuses faillites et cessations d’exploitation probables. Les régions les plus favorisées ont été la Champagne, Bordeaux (les merlots sur la rive droite), et la vallée du Rhône (sud). Ailleurs, les cépages les plus précoces récoltés en septembre ont mieux réussi que les cépages tardifs récoltés du 15 au 25 octobre, mais partout le talent du vigneron et sa capacité à sélectionner les meilleurs raisins feront la différence.
ALSACE
Les vendanges ont commencé vers le 10 septembre pour les raisins destinés aux crémants et se sont terminées vers le 15 octobre pour les vendanges tardives. Les meilleurs vins classiques ont été récoltés entre de nombreuses pluies entre le 5 et le 10 octobre pour le riesling et le gewurztraminer, une semaine avant pour les pinots gris.
La qualité a été sauvée par un mois d’août très chaud et sec après un printemps froid et une lutte constante des vignerons contre les différentes maladies du raisin. Les vins sont concentrés et aromatiques, mais il ne faut pas compter sur un développement favorable de la pourriture noble et donc sur de grandes sélections de grains nobles. Les sols les plus précoces et les plus drainants, comme les granits, devraient donner les meilleurs vins.
VALLE DE LA LOIRE
Comme partout en France les dates de vendanges ont été très étalées, en raison d’une très longue et inégale floraison, et le vigneron a du lutter tout le printemps et le début de l’été pour protéger le raisin des maladies.
Les vignerons bio ont le plus souffert, perdant une partie de la récolte mais les meilleurs d’entre eux ont récolté d’excellents raisins. Les raisins blancs, plus précoces ont le mieux profité de 4 très belles semaines du 15 août au 15 septembre. La région du Muscadet a vendangé une moitié de récolte entre le 18 et le 23 septembre et rentré un des vins les plus complets des dix dernières années. Les sauvignons de Sancerre et de Pouilly-sur-Loire ont suivi, Pouilly vendangeant en général un peu avant Sancerre, avec de beaux raisins bien parfumés même ceux rentrés sous la grisaille et de petites pluies vers le 10 octobre. Les cabernets de Chinon et Bourgueil ont bien tenu les pluies d’octobre, mais il fallait quand même bien trier le raisin, spécialement ceux rentrés après le 20 octobre.
Les vins naissent très tanniques, denses, sérieux, moins aimables qu’il ne la faudrait pour une consommation précoce. Les chenins blancs ont le plus souffert mais il devrait y avoir de bons secs et demi-secs, et peu de moelleux.
VALLE DU RHONE
Grand triomphatrice du millésime la vallée du Rhône a partout produit des vins remarquables, du nord au sud, avec encore plus de tempérament dans la région de Châteauneuf du Pape. On craignait beaucoup vers le 15 août le blocage des maturités par la sécheresse car il n’était pas tombé une goutte de pluie depuis vingt semaines.
Un miracle a fait tomber 40 mm d’eau le 29 août dans le Vaucluse, débloquant immédiatement les maturités.
Il fallait donc vite rentrer les blancs et les syrahs pour éviter que les degrés ne déséquilibrent les vins mais les grenaches, très en retard ont pris leur temps et les vignerons les ont tranquillement ramassés du 20 septembre au 10 octobre selon les expositions. La récolte est hélas toute petite, souvent inférieure à 20hl/ha, mais les vins remarquables d’une tenue et d’une classe qui me rappellent 1978. Les syrahs du nord ont bénéficié d’un été un peu moins chaud mais assez sec avec une petite préférence pour Côte-Rôtie un peu plus précoce, les hermitages et les cornas ne devenant grands qu’après le 2 octobre, rendant justice aux vignerons les plus courageux et qui ont su attendre.
LANGUEDOC, ROUSSILLON, PROVENCE, CORSE
Une toute petite récolte inférieure de 50 % à la normale mais partout une qualité très intéressante, marquée par une très longue période de sécheresse et un été très venteux rendant la vie du vigneron assez facile par rapport à ses autres collègues de France. La seule difficulté sera comme souvent celle des degrés alcooliques, très élevés sur les cépages rouges, et la forte teneur en tannin des raisins qui demandait beaucoup d’habileté pendant la cuvaison pour éviter d’extraire des tannins trop violents. Les grands vainqueurs seront les vins doux naturels, particulièrement ceux de grenache à Maury et Banyuls qui devraient rivaliser avec les plus grands portos. Je ne manquerai pas d’en acheter une petite collection pour ma cave.